Mime / Maimu - Shoji Kawamori

Animes perdus #1 – MIME/MAIMU (Shōji Kawamori)

Mise à jour : janvier 2020

Ce billet fait partie d’une nouvelle série d’articles intitulée « animes perdus » et dont le but est de présenter des animes qui n’ont jamais vu le jour : en feuilletant mes vieux magazines d’animation japonaise et en constatant le nombre d’articles sur des animes qui ont finalement été annulés pour diverses raisons, j’ai eu envie de parler de ces projets avortés, d’autant plus que pour la plupart d’entre eux il est très difficile de trouver des informations dessus.

Pour ce premier billet, j’ai eu envie de parler d’un film d’animation qui m’a toujours intriguée et qui est pour moi l’un des plus gros gâchis de l’industrie de l’animation japonaise, aux côtés du film de Lupin de Mamoru Oshii : ce projet abandonné, c’est MIME (également appelé MAIMU), un titre qui a pourtant eu droit à de très nombreux articles dans le magazine Animage à la toute fin des années 80.

Mime - Maimu

Annoncé dès le début de l’année 1988, ce film permettait de retrouver un duo surtout célèbre à l’époque pour son travail sur Macross : Shōji Kawamori (à la réalisation) et Haruhiko Mikimoto (au character design). Ce projet, nommé tout simplement Mime (prononcer « maimu » – le titre en kanji est 舞夢, composé des idéogrammes de « danse » et « rêve »), était à la base l’histoire d’une jeune adolescente de 15 ans, Mime (d’où le titre du film), et de ses escapades à vélo.

Ce film d’animation produit par le studio Sunrise avait la particularité d’être sponsorisé par le label discographique Epic/Sony Records (plus connu actuellement sous le nom de Epic Records Japan) : c’était une première pour eux, ce qui explique aussi la mise en avant de la musique dans Mime.

Dans une interview donnée en octobre 1989 dans le magazine Animage, le producteur exécutif du film a ainsi expliqué qu’il voulait que la musique ait une place importante : il trouvait que les films japonais, au contraire des films américains, n’utilisaient pas correctement la musique dans leurs productions. Mais il pensait également que le Japon se rattrapait du côté de ses films d’animation et plus globalement des animes, en avançant le fait que c’est sûrement parce que l’industrie de l’animation est encore jeune et remplie de passionnés. Il voulait donc un film d’animation avec des musiques qui marqueraient les esprits pendant longtemps, en citant pour exemple City Hunter et son célèbre Get Wild par le groupe TM Network… qui appartenait à l’époque au label Epic/Sony Records. Le sponsor de Mime, donc.

Mime - Maimu

Mime était très mis en avant dans le magazine Animage à la fin des années 80 : on a eu droit à de nombreuses interviews du staff travaillant dessus, des extraits de romans écrits par Shōji Kawamori détaillant l’enfance de l’héroïne, de nombreux croquis et illustrations des personnages par Haruhiko Mikimoto… Ce film avait même fait la couverture d’un numéro, ce qui n’est quand même pas anodin. Et pourtant, après 1990, ce fut le silence radio complet.

Que s’est-il donc passé et pourquoi le projet a-t-il été stoppé ? Les rumeurs qui courent sur bon nombre de sites japonais parlent alors d’un film abandonné parce qu’au final il ressemblait trop à Kiki’s Delivery Service et proposait le même thème de l’adolescence et du passage à l’âge adulte. D’autres aspects un peu trop similaires auraient apparemment causé quelques soucis, d’autant plus que Kiki’s Delivery Service avait eu droit lui aussi à une grosse exposition médiatique durant cette même année 1989. Certains vont même jusqu’à dire que le studio Ghibli aurait demandé à ce que la production de Mime soit arrêtée ; d’autres que c’est Shōji Kawamori lui-même qui aurait stoppé le projet après être allé à une avant-première de Kiki’s Delivery Service et avoir été choqué par les nombreux points communs entre les deux films.

Dans une interview de 2019, Shōji Kawamori confirme que si le projet n’a jamais vu le jour, c’est parce qu’à l’époque il y avait déjà plusieurs titres assez similaires, et qu’il ne voulait pas que son film donne l’impression de manquer d’originalité. Ce qui rejoindrait ses propos tenus dans cette interview réalisée lors de sa venue à Japan Expo en 2013 :

« Quand j’avais 20 ans, j’avais pensé à une comédie spatiale où une femme avait une sorte de pendentif solaire qu’elle mettait sur une sorte de vélo pour ensuite se promener dans l’espace. J’ai préparé ce projet avant Macross, et au moment où j’allais le présenter, E.T. est arrivé. Vous comprendrez donc un peu mon recul envers Spielberg. Et la fois suivante où j’ai voulu faire un projet du même style, c’est Laputa qui est arrivé. C’est amusant de voir souvent apparaître les mêmes idées à plusieurs endroits différents sur la planète, au même moment. »

Dans les tout premiers articles parus dans les magazines d’animation, Mime y était littéralement décrit comme une « petite comédie avec un brin d’action qui réchauffe le cœur ». On devait y suivre les mésaventures d’une jeune fille qui quitte ses parents et son village rural pour s’installer en ville, l’expérience qu’elle y gagne en faisant des petits boulots, et ses voyages à vélo.

Mime - Maimu

C’est encore une fois dans Animage qu’on en apprend un peu plus sur le projet, qui devait également contenir des éléments fantastiques : l’héroïne, Mime, est en fait à la recherche d’un mystérieux trésor légendaire qui peut changer le monde. Sorte de « femme à tout faire » qui gagne sa vie en rendant service aux gens, elle devait être accompagnée d’un assistant qui fait office de caméraman, mais aussi d’un mystérieux garçon de son âge nommé Takeshi qui n’était cependant pas vraiment humain, le corps de ce dernier étant en fait occupé par un être venant d’une autre dimension lui aussi à la recherche de ce même trésor légendaire.

Ce sont quasiment les dernières informations que l’on a sur le film, et cela coïncide étrangement avec la période durant laquelle est sorti Kiki’s Delivery Service dans les salles obscures au Japon : pur hasard ou non, ce qui est sûr, c’est que par la suite nous n’avons plus jamais entendu parler de ce projet.

Il est vraiment dommage que Mime n’aie jamais vu le jour, d’autant plus que le film avait l’air d’être bien avancé au niveau de la production et d’avoir été annulé assez tardivement. C’est également un anime pour lequel il est très difficile de trouver la moindre information dessus sur Internet, et tout ce que j’ai écrit ici provient de plusieurs articles parus dans les magazines Animage de l’époque que je possède.

À noter au passage qu’il existe un pilote de trois minutes, qui n’a malheureusement jamais fuité.

SOURCES ET RÉFÉRENCES :


À LIRE AILLEURS :

13 commentaires

  1. ooh, ça c’est des billets fortement interessant !! J’avoue que je n’avais jamais entendu parler de ce projet, et malgré les similitudes avec Kiki, c’est dommage que le staff ne se soit pas lancé en mode coucougnettes posées sur la table.

    • Merci ! :D
      Je ne suis pas étonnée en fait si personne n’a entendu parler de ce projet, c’est vraiment obscur et pas très connu, surtout vu le peu d’infos dessus. ^^;

    • Merci ! Je compte bien continuer, même si je ne sais pas à quelle fréquence je publierai des billets sur ce thème, car certains risquent de demander de faire quasiment des fouilles archéologiques sur le net pour trouver la moindre information dessus. :)
      En tout cas les autres titres que je pense aborder seront tout de même nettement moins obscurs que Mime.

  2. « On devait y suivre les mésaventures d’un(e) jeun(e) garçon(fille) qui quitte ses parents et son village rural pour s’installer en ville, l’expérience qu’elle y gagne en faisant des petits boulots, et ses voyages à vélo. »
    Hey mais… c’est Golden Boy xD

    Superbe article. En tant qu’amoureux inconditionnel de Macross et donc du travail de Kawamori (en tête) et de Mikimoto, apprendre l’histoire de ce long(métrage perdu c’est quelque chose. Merci à toi pour cette perle.

    Et drôle de hasard, il y a tout juste quelques heures, parmi mes livres, je suis retombé sur les mangas de Macross 7 Trash (que je n’ai toujours pas lu après une quinzaine d’année) alors que je ne possède quasi plus de manga physique. C’est peut-être ça qu’on appelle la synchronicité… ^^

    Aussi, belle démarche que de récupérer de vieux Animage et de partager un peu. Ca prouve la passion. Et ça permet de se plonger dans une époque bien différente de celle d’aujourd’hui (du moins, je suppose).

    N’hésites surtout pas à écrire d’autres articles du genre. Je reviendrai plus souvent. Thx ! :D

    • Ah, pas faux pour Golden Boy, je n’avais même pas fait le rapprochement mais c’est vrai que maintenant que tu le dis il y a comme un petit air de ressemblance au niveau du scénario de base. :’D

      En tout cas merci pour le commentaire. Je possède effectivement beaucoup de magazines d’animation japonais (surtout des années 80 et 90) qui commençaient à s’entasser depuis des années, du coup ça me donne des idées pour ce blog que j’avais un peu délaissé. ;) J’avais commencé à d’ailleurs tous les scanner sur un tumblr, mais je me dis que je devrais aussi en traduire certains articles (si je n’ai pas la flemme) car il y a vraiment des trucs intéressants dedans. :)

      Je vais en tout cas continuer à écrire des articles de ce genre, mais je ne sais pas à quelle fréquence je les publierai. ^^;

      • On ne peut que t’encourager à la chose ^^ Il y a des auteurs prolifiques et c’était une période remplie de passion. Passion qui existe encore aujourd’hui mais les enjeux ne sont plus les mêmes (il y a, par exemple, une naïveté qu’on retrouve dans de vieilles séries et même des long-métrages qu’on ne retrouve quasiment plus aujourd’hui). Et pis surtout, y’avait pas autant de fan service qu’aujourd’hui (au hasard, pas de petites culottes) ^^

        Vivement que tu écrives d’autres papiers :D (c’est acté. « On » attend :p)

        PS: Et plaisir de voir qu’après toutes ces années tu continues encore à écrire. J’avais pensé que tu lâcherai prise petit à petit avec les années. C’est comme ça qu’on reconnait les vrai(e)s :D

  3. j’avais entendu parler du projet sous le nom de Maimu, mais jamais Mime. c’est une orthographe aussi officielle que Versaille sans S no bara ?

    Merci pour les futures articles de cette catégorie. faudrait que je songe à écrire un truc pour Aoki Uru, à rassembler tout ce qui s’est dit en 20 ans pour finalement encore du vent.

    • Je l’ai aussi vu sur le net mentionné sous le nom de « maimu », mais le titre officiel semble être 舞夢 – MIME – (tu peux le voir ici en bas à droite : http://tinyurl.com/q826dtl), du coup j’ai préféré mettre ce nom-là. Mais je vais peut-être éditer le titre de l’article et ajouter Maimu.

      Aoki Uru, c’est pas censé sortir en 2018, finalement ? (on y croit ! :p)

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