Si les mangas culinaires semblent être très à la mode en ce moment, peu réussissent à réellement sortir du lot. C’est pourtant le cas d’un titre que j’ai beaucoup aimé pour son originalité et sa fraîcheur : Dungeon Meshi (ダンジョン飯), également nommé « Delicious in Dungeon », un manga inédit en France de Ryōko Kui qui compte actuellement deux tomes au Japon et qui a donc pour thème la nourriture. Et les donjons. Mais les donjons, c’est en fait un peu secondaire. (Et pour ceux qui se poseraient la question, oui, le titre de ce billet est bien une référence foireuse à Danmachi.)
Les premiers chapitres de ce manga très particulier ont commencé à paraître courant 2014 dans le magazine Harta, qui publie également des séries disponibles en France comme Sakamoto – Pour vous servir ! ou encore Minuscule. De mon côté j’ai seulement appris l’existence de ce manga en janvier 2015 lors de la sortie du premier volume, grâce à un article paru sur le site Comic Natalie. Et comme début août le second tome est enfin sorti, j’en ai donc profité pour prendre d’un coup ces deux premiers volumes, sans trop savoir à quoi m’attendre. Mais j’étais quand même bien curieuse de voir pourquoi ce titre marchait aussi bien au Japon.
Dungeon Meshi est également le premier manga de Ryōko Kui à posséder un véritable scénario : cette artiste au trait très particulier à qui on doit des titres assez atypiques est plutôt spécialisée dans les recueils d’histoires courtes, que ce soit avec Hikidashi ni Terrarium (qui a reçu le Prix d’Excellence du Japan Media Arts Festival en 2013), Ryuu no Gakkou wa Yama no Ue (des histoires courtes plutôt « fantasy réelle », on peut y trouver par exemple un chapitre avec des centaures qui vivent dans le Japon moderne) et Ryuu no Kawaii Nanatsu no Ko (une autre série de petites histoires sur le thème du fantastique).
La structure de Dungeon Meshi reste cependant assez proche de celle de ces recueils, chaque chapitre constituant une petite histoire indépendante.
Donjons & Gueuletons
Le manga commence de façon très classique avec la découverte par des villageois d’un vieil homme affaibli dans un cimetière souterrain, et qui se dit être le roi d’un ancien royaume regorgeant de richesses… Un royaume qui, à cause de la folie d’un magicien, aurait été complètement enseveli. Avant de disparaître à tout jamais sous forme de poussière, le mystérieux roi déclare que quiconque détruira le magicien recevra en récompense son royaume et ses richesses.
Éliminer un magicien maléfique ? Retrouver des richesses perdues ? Peu importe : cette intrigue qui ne tient que sur une page et semble sortir tout droit des premiers Wizardry/Sorcellerie est très vite oubliée, car le groupe d’aventuriers que l’on suivra aura une toute autre préoccupation bien plus importante : manger (et, accessoirement, sauver un des leurs) !
L’histoire commence véritablement avec un petit groupe d’aventuriers mené par Laios (ライオス) dans les profondeurs d’un donjon. La quête est un véritable échec et Farin (ファリン), la sœur de Laios, se fait dévorer par un Dragon Rouge. Le groupe arrive à fuir à temps, mais tout n’est pas perdu : Farin peut être sauvée. Le monde de Dungon Meshi est en fait comme celui d’un RPG, dans le sens où un personnage peut mourir et être ressuscité, du moins tant que le corps est plus ou moins intact. D’où l’urgence de sauver Farin avant qu’elle ne soit complètement digérée par le Dragon Rouge, c’est-à-dire un mois : comme il le dit lui-même dans le manga, Laios n’a pas tellement envie de ramener sa sœur à la vie sous forme d’excréments.
Du groupe d’aventuriers d’origine, seuls deux des plus fidèles compagnons de Laios décident de rester pour l’aider à sauver sa sœur : l’elfe magicienne Marcyle (マルシル) et le spécialiste des verrous et serrures Tylchak (チルチャック). Mais il y a un problème : ils sont tous fauchés. Payer une guilde n’est pas donné, sans parler des frais de recrutement et de l’argent nécessaire pour préparer une expédition ; le petit groupe décide alors de suivre l’idée de Laios, qui est d’économiser le plus possible en se nourrissant de tout ce qu’ils trouveront dans le donjon… et en profiter pour faire de nouvelles découvertes culinaires.
Ce qui, au passage, ne réjouis pas du tout notre elfe.
Si Marcyle est au départ réticente à l’idée de manger des créatures dont on ne sait même pas si elles sont comestibles, on découvre dès les premières pages que Laios a, secrètement, toujours voulu y goûter. C’est après quelques premières tentatives culinaires ratées que le groupe est rejoint par un nain, Senshi (センシ), qui leur explique comment préparer les créatures du donjon (et retirer leur poison !). Expert dans l’art de cuisiner les monstres, il rejoindra le groupe non pas pour les aider à sauver Farin mais pour réaliser son rêve : cuisiner et manger le fameux Dragon Rouge.
On remarque d’ailleurs assez vite que sauver la sœur du héros n’est finalement que très secondaire, et même si au bout de deux volumes l’histoire avance un (petit) peu à ce niveau-là, c’est surtout la façon de préparer et de manger les monstres qui est mise en avant. Mais le manga ne parle pas QUE de nourriture et d’autres aspects sont même abordés, comme par exemple comment éliminer un slime. Avec même un schéma expliquant en détail leur anatomie.
En parlant de détails, l’auteur nous explique également à travers les pages du manga l’écosystème du donjon, avec une description complète de la chaîne alimentaire et même quelques informations supplémentaires sur les créatures rencontrées, sous forme de lexique en fin de volume.
Un manga culinaire hors normes
Même les recettes sont extrêmement complètes, chaque chapitre mettant en avant un plat original lié à un monstre rencontré quelques pages plus tôt : soupe de scorpion, tarte aux plantes carnivores, rôti de basilic, omelette à base de racines de mandragore, sorbet aux fantômes et à l’eau bénite… Ryōko Kui va même jusqu’à détailler les apports caloriques et les vitamines contenus dans chaque plat.
Nous sommes également loin du côté parodique de certains mangas culinaires et de la réaction excessive de leurs personnages lorsqu’ils dégustent un plat : on est ici finalement bien plus proche d’un titre comme le Gourmet Solitaire de Taniguchi que d’un Yakitate! Japan ou encore Food Wars, et nos héros apprécient leur repas de manière très simple.
Cela n’empêche pas les personnages d’être tous des ventres sur pattes qui ne pensent qu’à manger la moindre créature qu’ils voient, et il est toujours amusant de voir Laios se battre contre un monstre et se demander en même temps quel goût il a ou encore comment le cuisiner. Y compris lorsqu’il s’agit de se battre contre des armures vides qui bougent toutes seules, ce qui arrive dans un chapitre où le héros se rend compte qu’elles sont « vivantes » en voyant sur le bouclier de l’une d’elle un cocon. Il n’a alors plus qu’une idée en tête : découvrir quelle créature se trouve à l’intérieur de l’armure, et la manger !
On retrouve cette obsession de la nourriture tout au long du manga : le personnage principal se retrouve quelques chapitres plus tard absorbé à l’intérieur d’une peinture qui l’envoie dans un château lointain ? Peu importe que ce monde soit réel ou non, la première chose qu’il a en tête est de manger les plats qu’il y découvre. Un coffre à trésor est en fait un piège qui renferme un monstre ? Et bien ce dernier finira en bouillon.
Du côté des personnages, j’aime beaucoup Marcyle, qui a l’air d’être également la préférée des lecteurs japonais : elle est peut-être la plus réticente à chaque fois pour goûter à tous ces nouveaux plats, mais elle est toujours celle qui finalement les apprécie le plus. Marcyle a également beaucoup de réactions amusantes et totalement justifiées, car utiliser par exemple le dos de golems comme jardin pour y faire pousser des légumes n’est pas forcément ce qu’il y a de plus ragoûtant. Si elle craquait souvent au début du manga et suppliait d’avoir de la nourriture « normale », au fil des chapitres elle se fait finalement assez vite à ce nouveau régime alimentaire.
Après des aventures plus ou moins dangereuses et de nombreuses découvertes culinaires, le second volume du manga s’arrête alors que notre petit groupe rejoint enfin le quatrième sous-sol du donjon. Que leur réserve donc la suite et surtout, quels nouveaux mets vont-ils découvrir ? C’est ce que j’attends avec impatience, en espérant que le troisième volume sorte assez rapidement.
J’ai été en tout cas agréablement surprise par ce manga, surtout qu’à la base je ne suis pas trop fan de tout ce qui est « nourriture fictive », comme dans Toriko. Mais ici tout a l’air tellement appétissant (si on oublie à quoi ressemblaient les monstres avant de finir en nourriture !), et les nombreux détails donnés par l’auteur donnent l’impression d’avoir des plats qui existent véritablement. Par moments cela m’a même un peu rappelé Dragon’s Crown et son campement où le joueur cuisine des aliments, qui proviennent des monstres (et des boss) éliminés auparavant ; mais aussi ce bon vieux Dungeon Master, où il faut également nourrir ses personnages.
Le trait fin et simple de Ryōko Kui mais aussi son humour aident également à apprécier davantage le manga, mais ceux qui espèrent un côté un peu plus dungeon crawler risquent d’être déçus : c’est avant tout un manga culinaire. Les fans de jeux de rôle devraient tout de même l’apprécier pour ses nombreuses références au genre, et de mon côté j’espère vraiment que ce Dungeon Meshi sera un jour publié en France. Mise à jour : le manga est finalement arrivé en France en mai 2017 chez Casterman, sous le titre « Gloutons & Dragons » !
Les images de ce billet ont été piquées chez : Spot Note, AreCollection et le site officiel du manga.
Woah, je suis content de voir un article sur ce manga. J’en avais pris connaissance lors de la sortie du 1er tome aussi, mais à l’époque, très peu d’articles, de résumé de l’histoire ou autres. J’étais tombé sur un tumblr qui en parlait vite fait, mais sans tous les détails et appréciations que l’on retrouve ici.
Ton avis me donne bien envie, ça a l’air original dans son traitement, en partant sur des bases d’un scénario des plus banals. Vu son succès, une vf devrait suivre j’espère. Même si ce n’est peut-être pas le genre de titre qui attirera un grand public en France…
Merci !
En fait je suis assez surprise que finalement peu de sites ne parlent vraiment de ce manga malgré son succès au Japon. C’est dommage. :(
J’espère aussi qu’il sortira en France, et puis il y a des titres encore plus niches que celui-là qui arrivent traduits, donc on ne sait jamais. Mais effectivement ce n’est pas le genre de manga qui se vendra par palettes entière (et à ma connaissance, aucun manga de Ryōko Kui n’a été traduit en France, donc ça n’aide pas).
J’attendais avec un espoir assez mince la sortie de son one-shot sur les 7 fils du dragon vu qu’il a été nominé pour Taishô mais rien n’est arrivé… les couvertures de ce manga m’ont aussi intriguée, merci pour cet article ^^
Punaise Exelen se Manga doit absolument être publié en France et puis qu’est ce que foute les studios d’animation ? au lieu d’adapter Crap War ou Danmachi il aurai mieux fait de faire un Anime de Dungeon Meshi , même si je conçois qu’il n’y a pas beaucoup de volume pour en faire un Anime mais les OAV sont fait pour cela après tout. Tu pourrait me dire si il existe une traduction en anglais ? ce Manga me rappelle le première épisode de Druaga mélanger avec du Gintama mais sur de la bouffe Lol!
Aussi j’en profite pour te dire qu’il faut absolument que tu joue au jeux de la compagnie Mogeko à savoir Mogeko Castle , The Grey Garden et Wadanohara And The Great Blue Sea j’ai adorer et je ne peut plus me passer de ce qu’il font de plus c’est gratuit. Et comme je sais que t’aime les trucs chelou surtout après ton poste sur les OVA sur les contes des frère Grimm j’ai penser que sa te plairait.
Encore une fois bon retour sur l’antre de la fangirl cela m’avait tellement manqué de lire tes billets et moi j’adore les longs pavé ! :)
Et oui, j’essaye de reprendre mon blog, écrire des pavés aussi ça me manquait. ;) Je vais essayer d’être régulière et d’être moins flemmarde, même s’il n’y aura pas de nouveau billet avant fin septembre/début octobre.
Pour Dungeon Meshi il y a eu des rumeurs comme quoi il devait être adapté en film d’animation mais ça aurait été annulé. Un anime, pourquoi pas, mais ça serait quand même un peu difficile… y compris en OAV.
Pour le manga il n’y a pas de traduction en anglais, je crois qu’il n’y a que le premier chapitre qui a été traduit par des fans.
Je ne connaissais pas la société Mogeko, je vais voir ça, leurs jeux ont l’air un peu chelou en effet. :D
Seulement Mogeko Castle est complétement WTF mais pas Wadanohara et The Grey Garden bon il y un peu de gore et tout mais en ce qui me concerne The Grey Garden est super adorable. Mogeko c’est du Clamp mais en plus dark mais déjà l’univers Mogeko est plus digeste que toute la série Tsubasa Reservoir Chonicle le dessin et l’ambiance de obsolete dream sont assez similaire a XXXHolic ect enfin bref tu me dira se que t’en pense.
Apparemment ton article a provoqué un regain d’interet general, un groupe a reprit la traduction du manga a une vitesse surprenante ^^
Ah la coïncidence XD
Bon, ça serait quand même mieux s’il sortait officiellement quelque part ^^;
Exelen doit être magique !:3
Aucune team traduit Delicious in Dungeon/Dungeon Meshi ?
En anglais, oui, mais en français, aucune idée.
Découverte pour moi, je ne suis malheureusement pas du tout l’actualité manga… Quel drôle de mélange quand même (sans vouloir faire un mauvais jeu de mots…). Du RPG, de l’aventure, mais avec un ton plus proche du gourmet solitaire et avec de l’humour. Wow. Ben je vais allé lire les scans anglais pour me forger mon avis ! Merci pour ce billet !