[3DS] Girls RPG Cinderelife, ou quand Level-5 explore le monde des bars à hôtesses

Le 8 mars dernier est sorti sur 3DS au Japon un jeu vidéo du studio Level-5 au titre bien intriguant : Girls RPG Cinderelife. Un RPG qualifié explicitement de « RPG pour filles », comme son nom l’indique, et tout ce que cela peut donc impliquer comme sous-entendus. On a même droit à une jaquette très rose représentant un personnage féminin (dont le design a changé en cours de route, allez savoir pourquoi) entouré d’accessoires de mode, ce qui ne laisse vraiment pas l’impression de tenir là un RPG.

Lorsque j’avais testé la démo lors du Level-5 World qui s’est tenu il y a tout juste un an, j’avais à ma grande surprise relativement bien aimé le peu que j’avais essayé malgré tout le côté très girly et ce que sous-entendait un RPG autant ciblé se déroulant dans l’univers des bars à hôtesses. Il est toutefois un peu difficile de résumer ce jeu en quelques lignes seulement, surtout que ce n’est pas vraiment ce à quoi je m’étais attendue même en ayant joué à la démo.

En fait, mon expérience avec Girls RPG Cinderelife pourrait se résumer à ça :

Girls RPG Cinderelife - what I played, what I expected, what I got

Et j’exagère à peine.

Le monde merveilleux des bar à hôtesses…

Au Japon, on peut trouver de nombreux bars à hôtesses dans certains quartiers des grandes villes ; appelés aussi kyabakura (contraction de cabaret et club), leurs hôtesses ont quant à elles le nom de kyabajō, et c’est d’ailleurs de là que vient le titre du jeu sur téléphone portable Cabajoppi (キャバ嬢っぴ) sur lequel se base Cinderelife.

Le rôle des hôtesses de ce genre d’établissements se résume en gros à tenir compagnie à leurs clients masculins dans le but de les distraire en leur faisant la conversation, et ce tout en leur offrant des boissons, principalement alcoolisées. Les hôtesses recevant pour la plupart un certain pourcentage basé sur les consommations de leur client, elles ont donc bien intérêt à les flatter et à être très attentionnées afin de les faire consommer au maximum. Il n’est pas question de prostitution dans ce genre de bar même si des dérapages peuvent arriver, et ce style de métier reste très difficile pour une jeune femme bien qu’il s’agisse évidemment avant tout d’un moyen de gagner beaucoup d’argent très rapidement.

Et si je raconte tout cela c’est parce que Cinderelife s’inspire réellement du principe des véritables bars à hôtesses, y compris jusqu’aux commissions et aux mensonges qu’il faut raconter aux clients afin de flatter leur égo, tout en proposant cependant une vision nettement plus glamour de cet univers.

Cinderelife - stats
Mon personnage à la fin du jeu : 57 heures, niveau 91 et un joli pactole de 25 916 600 yens.

On pourrait se demander si le jeu était destiné à l’origine à un public jeune malgré son thème tendancieux. Car non seulement il est question ici de faire boire de l’alcool à ses clients, mais en plus nous sommes sur une console portable Nintendo ! Le jeu, malgré son enrobage rose-bonbon, s’est donc retrouvé flanqué d’un CERO C, ce qui signifie qu’il est déconseillé aux moins de 15 ans. Rien de bien surprenant au final car Cinderelife, développé par une équipe entièrement composée de femmes, est bel et bien avant tout destiné aux jeunes femmes adultes. Je doute cependant que beaucoup de japonaises rêvent réellement de devenir hôtesse de bar, et je trouve la vision idéalisée de ce métier véhiculée par ce jeu un peu malsaine, mais passons.

A la recherche du papillon du bonheur

Le joueur se retrouve dans la peau d’une jeune japonaise fraîchement débarquée de sa campagne profonde, véritable Mary Sue sans nom prédéfini dont on pourra customiser l’apparence ainsi que la voix, et qui atterrit dans la ville de Neo Ginza où elle doit se rendre chez sa tante Mikako, propriétaire d’une boutique de fleurs. Elle est accueillie à la gare par un mystérieux garçon nommé Sera qui y travaille temporairement, et apprend au passage qu’il existe à Neo Ginza une légende urbaine, celle d’un papillon du bonheur qui apporterait réussite et gloire : notre héroïne, chanceuse comme elle est, en croise un dès son arrivée et le mystérieux papillon de lumière se pose même quelques instants sur son front ; elle semble cependant être la seule à pouvoir le voir.

Le jour suivant son arrivée, Mikako demande à l’héroïne de livrer un bouquet de roses au Castle, le bar à hôtesses le plus populaire de la ville et où toutes les jeunes filles rêvent de travailler. Elle y rencontre là-bas l’une de ses amies du lycée, Ichika, qui est devenue entre temps une Neosienne (ネオジェンヌ – l’équivalent du terme « hôtesse » ici, jeu de mot avec le nom de la ville mais aussi avec パリジェンヌ, c’est-à-dire « Parisienne »). Ichika en profite pour demander à sa supérieure la permission de faire en sorte que son amie remplace le temps d’une soirée une collègue en retard ; c’est ainsi que notre héroïne finira par faire ses premiers pas dans ce monde de la nuit en tant que Neosienne et y rencontrera la très populaire Mirei, mais aussi un mystérieux jeune homme blond, Serge, qui vient d’un pays lointain et semble être venu au Japon pour y trouver quelque chose en rapport avec le fameux papillon du bonheur… L’héroïne finira par devenir une Neosienne de Castle à part entière et aura même le droit plus tard de travailler également dans le second bar de la ville, Excalibur.

Malgré tout ce côté bien gentillet il y a bel et bien un scénario derrière tout cela, dont un grave incident qui mettra Neo Ginza et, plus largement, le monde entier en danger : tout cela sera bien entendu lié au papillon du bonheur mais aussi à des scientifiques peu scrupuleux voulant puiser sa source infinie de bonheur.

Cinderelife

Girl Power

Le côté RPG se retrouve sur bien des aspects différents qui pourront faire sourire, que ce soit par exemple au niveau des points de vie qui sont remplacés ici par des points de beauté et les points de magie par des point de bonheur, que le joueur pourra récupérer en se rendant chez l’esthéticienne (oui…), le coiffeur ou encore en allant au restaurant. Qui dit RPG dit également combats pour gagner des points d’expérience, sauf que bien entendu il n’y a rien de tout cela ici : les combats sont remplacés par des dialogues et leurs nombreux choix en terme de réponse.

Le jeu est découpé en journées, chacune se déroulant de la même manière : le jour il sera possible de flâner en ville et de faire les magasins, aller au restaurant, glaner des informations afin de débloquer des quêtes secondaires… Voire même de pouvoir récupérer des « idées », qui permettront d’aborder de nouveaux sujets de conversation avec les différents personnages. Une journée est cependant limitée en temps et se déroule assez vite : il faudra donc toujours faire un minimum attention car certains magasins ne seront ouverts qu’à certaines heures, et des personnages n’apparaîtront qu’à un moment précis également. Ce n’est qu’une fois la nuit tombée que le temps s’arrête, permettant au joueur de traîner un peu en ville pour visiter les rares établissements encore ouverts, et ce avant de se rendre au Castle ou à Excalibur, ces deux bars étant une étape obligatoire pour finir une journée et passer à la suivante.

Et c’est lorsque notre héroïne doit y travailler que l’on peut enfin s’amuser pour de bon, les séquences de discussion étant le principal intérêt du jeu : elles sont vraiment intéressantes, d’autant plus que beaucoup de clients s’avèrent être tout aussi excentriques qu’amusants.

Cinderelife - Neo Ginza

Dans cette partie-là du jeu, les clients disponibles lors d’une soirée sont répartis aléatoirement et on ne sait jamais vraiment sur lesquels on tombera, sachant qu’ils sont au total au nombre de 20 (dix clients pour le Castle, et les dix autre à Excalibur). Les habitués de Dream C Club ne seront pas trop perdus ici pour tout le côté bar à hôtesse, si ce n’est que les rôles sont inversés et que chaque séance avec un client est ici l’équivalent d’un combat dans un RPG !

Les séances en question sont divisées en cinq étapes nommées « talk » : lorsque le client posera une question ou dira quelque chose sur lui, le joueur devra trouver la réponse la plus appropriée parmi trois au choix. Chaque réponse apporte en fait un certain nombre de points, le maximum par séance étant de 100 points (même si il est tout à fait possible de dépasser ce score), sachant que le nombre de points reçus dépend également du niveau du joueur. Il peut être souvent facile de deviner quelle réponse est la bonne, même si cela dépend des clients : pour certains il faudra mentir ouvertement en les flattant, pour d’autres il faudra être plus ambigu, voire même plutôt franc. Il y a également la possibilité d’être complètement je-m’en-foutiste et d’envoyer balader son client ; c’est toujours amusant de voir leur réaction mais ce n’est pas très recommandé si l’on veut progresser rapidement dans le jeu.

Cinderelife - bar

Sachant que chaque client a ses préférences, au tout début de la conversation il pourra également faire une remarque sur le style vestimentaire du joueur (chaque accessoire et vêtement permettent d’augmenter quatre critères au choix : Simple, Gorgeous, Cute et Sexy), ce qui apportera un petit bonus de points si c’est en concordance avec ses goûts. A l’inverse, lorsque le client commandera à boire, il faudra deviner à l’aide d’un bref indice ce qu’il désire parmi 16 boissons au choix, mais ce n’est jamais très difficile.

Si tout se passe bien et que suffisamment de points sont accumulés, il sera également possible de commander quelque chose à manger à l’aide du food slot. Il s’agit tout simplement d’une roulette où défilent plusieurs plats à des prix différents, sachant qu’il faut essayer de tomber généralement sur le plus cher à 100 000 yens. Et si jamais le joueur arrive à dépasser la barre des 100 points au cours d’une séance de conversation avec un client et ce avant la fin des cinq « talks », il sera possible d’entrer en mode super fever où il sera alors possible de faire boire au client des bouteilles d’alcool extrêmement chères ; là il suffira de jouer à une sorte de jeu similaire à celui d’une machine à sous et où il faudra aligner trois fois la même bouteille, sachant que la plus chère fera débourser pas moins de 550 000 yens au (malheureux) client. Car il ne faut pas oublier que le joueur reçoit ici également un pourcentage sur les commandes des clients, donc il sera dans son intérêt de les plumer au maximum afin d’obtenir un salaire élevé…

Cinderelife - guest stars

Un autre intérêt du jeu, et pas des moindres, est la possibilité de rencontrer des personnages tirés de divers mangas et anime. Cette collaboration existait déjà avec la version téléphone portable, et ici on peut retrouver plus ou moins les mêmes personnages (sauf Onizuka de GTO, dommage…). Il sera donc possible d’avoir des conversations avec Joe ou encore Kaiji et de résoudre leurs différents problèmes, bien que ces personnages apparaissent de façon aléatoire sous forme de sous-quêtes disponibles uniquement lorsque l’on se promène en ville. Résoudre leur quête permet d’obtenir des accessoires très intéressants permettant de faciliter davantage le jeu, et de mon côté le seul personnage que je n’ai jamais réussi à rencontrer dans ma partie est Masumi de Glass no Kamen. :'(

Pour en revenir aux phases de conversation avec les différents clients du jeu, il existe donc certains passages qui rappellent assez Gyakuten Saiban/Ace Attorney. Ces passages sont un peu l’équivalent d’un combat contre un boss dans un RPG : il s’agira majoritairement d’une discussion avec un personnage important pour l’histoire et qu’il faudra donc réussir à « battre ». Lors de ces conversations, un cadenas (ou plusieurs, cela dépend) apparaît : ce cadenas qu’il faudra déverrouiller est en fait la représentation d’un secret du personnage qu’il faudra vaincre, et seulement deux chances sont données au joueur : si on ne peut briser le cadenas ce n’est pas Game Over, la journée se termine et on pourra retenter sa chance le lendemain.

Cinderelife - objection !

Comment briser le cadenas en question ? Si dans certains cas il faudra comme à l’accoutumée donner une bonne réponse parmi trois au choix, dans la majorité des cas il faudra proposer un thème, un objet ou un personnage parmi une liste de mots clés assez conséquente représentée sous forme d’icônes. Le principe est en fait exactement le même que dans les Gyakuten Saiban lors des phases de procès, où le joueur devait présenter la bonne preuve au bon moment. Ce n’est peut-être pas aussi jouissif dans Cinderelife, loin de là, mais bien souvent on ressent la même pression. Surtout à la fin du jeu contre le « boss final », où il faudra enchaîner les bons choix sans se tromper une seule fois.

Ces séquences avec un cadenas à faire sauter apparaissent également avec les clients ordinaires lorsque leur taux d’affection envers l’héroïne est très élevé : ceci permet d’accéder à de nouvelles phases de dialogues permettant de mieux les comprendre et de parfois résoudre leur problème. Et tel un jeu de drague, si jamais leur taux d’affinité est au maximum, le client en question pourra avouer ses sentiments, voire même demander l’héroïne en mariage. Cela dépend des personnages, bien que la majorité soit quand même de sacrés tsundere !

Cinderelife - Akuma

Au final, j’avoue que j’ai bien aimé ce Girls RPG Cinderelife. C’est même l’un des rares jeux de Level-5 auquel j’ai vraiment accroché. Surtout en terme de RPG, en fait : je ne m’y suis pas ennuyée une seule seconde en y jouant au contraire de Ninokuni, qui est un peu au jeu vidéo ce que Derrick est à la télévision pour moi (que ce soit la version DS ou PS3), voire même Dragon Quest IX ou encore White Knight Chronicles, pour rester avec d’autres titres du même genre de ce studio. Ce n’est pas non plus un RPG exceptionnel, d’autant plus qu’il est un brin répétitif, mais il s’agit d’un jeu aux personnages attachants et avec lequel on passe un très bon moment si l’on arrive à passer outre le côté très rose et sucré et certains aspects assez discutables en terme de morale. Cela n’a cependant pas empêché Cinderelife de se vautrer au niveau des ventes au Japon (environ 9 500 ventes pour sa première semaine et à peine 30 % de son stock écoulé), et à vrai dire il fallait s’y attendre car l’image qu’il donne et son titre n’aident vraiment pas.

Girls RPG Cinderelife reste un RPG qui mérite d’être creusé et pour lequel il ne faut vraiment pas se fier aux apparences ; personnellement il s’agit également pour le moment du jeu sur lequel j’ai passé le plus de temps sur 3DS aux côté du très bon Fire Emblem : Kakusei. Quant à savoir si ce titre aura droit un jour à une localisation, je pense malheureusement que ses chances sont proches du zéro, principalement à cause de son thème.

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19 commentaires

  1. Il y a deux bars dans le jeu ? Mince alors, j’ai encore rien vu en fait :p

    Et je te rejoins pour le côté Gyakuten Saiban du jeu, même si les joutes verbales ne sont pas aussi over the top. Quoique, certains clients sont assez fun. Le gaijin du début du jeu et le client taciturne étaient pas mal.

  2. neokenji > Et oui, il y a un deuxième bar, avec des personnages tout aussi farfelus. :) Le jeu est en fait plutôt long et y a pas mal de trucs à faire, pas pour rien que j’ai mis presque 60 heures pour le finir. XD

  3. @X4713R : sincèrement je ne pense pas en faire un, et encore moins sur la série des Fire Emblem vu que je n’y connais pas grand-chose. J’ai fait peu de volets, je suis une véritable néophyte en la matière. :(

  4. Mon dieu que ca a l’air supra kimoi quand meme comme jeu wwwww
    (et moralement… ambigu au mieux ? xD)

    Cela dit t’as l’air de t’etre vraiment bien amusee dessus… w

  5. Ogami > Je dirais plutôt du côté de Shinjuku (kabukichou)~

    nyo > niveau kimoi, y a quand même pire, hein :D (au hasard : AKB48 sur PSP w). Après, niveau morale, c’est clair que c’est relativement ambigu. Voire même un peu glauque. XD
    Mais effectivement, le jeu est très fun, après faut surtout pas le prendre au premier degré~

  6. Ogami > Roppongi, Kabukichou du cote de Shinjuku, Ginza eventuellement pour differents coins ou on peut en trouver a des prix et standings plus ou moins eleves (cites dans un ordre pseudo-croissants).
    Bon cela dit, je deconseille la frequentation de ce genre de lieu mais bon~

    (Je ne vois pas de quoi tu parles /whistles. Je me dis que je ferais bien un jour l’un d’entre eux mais on m’obligerait a ecrire dessus du coup ca me refroidit un peu www)

  7. Hirohina > linéaire ? Dans un sens, oui, mais tu peux toujours faire plein de trucs annexes avant d’avancer dans le scénario.

    Michelly58 > Nintendo 3DS. Mais n’oublie pas que la console est malheureusement zonée.

  8. Ca c’est du concept :D

    Quel beau jeu éducatif : toi aussi apprends à plumer des pigeons, mais si t’es un boudin t’auras aucune chance :D

    Je ne parlerai plus jamais de hp et de mp mais de beauté et bonheur désormais :)

    P.S : comme ça ni no kuni c’est le derrick des rpg nippons ? Tu penses que la version ps3 sera tout aussi soporifique (voire hypnomade, hohoho) ?

  9. Papayou > D’un autre côté, le joueur est libre de créer un personnage féminin absolument moche lors de la création de son avatar. Enfin bon, ce jeu reste quand même assez amoral. ;D
    Pour Ninokuni, j’ai jamais pu finir la version DS et je n’ai pas pu dépasser les 15 heures de jeu car c’était mou du genou. Idem pour la version PS3, aussi molle, et dont le moindre combat t’endort (la musique n’aidant absolument pas). Je retenterai bien le jeu quand il sortira en occident, mais avec des litres de café à côté. :p

  10. Eh bien c’est un jeu qui sort des sentiers battus que je vois là, c’est le genre de jeux que j’aimerais bien essayé c’est typiquement japonais, en plus il y a même une référence à Kaiji. *énorme*

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