Et encore une critique de jeu vidéo, qui plus est également pour un titre sur 3DS. Cette fois-ci il va être question du très récent Professeur Layton vs Phoenix Wright, alias Layton Kyouju VS. Gyakuten Saiban pour les puristes, un surprenant crossover né d’une collaboration entre Capcom et Level-5 qui vient tout juste de sortir au Japon.
L’idée de ce crossover vient directement de Akihiro Hino, le président de Level-5, et accessoirement grand fan de la série des Gyakuten Saiban / Ace Attorney. Il aurait proposé ce projet à Capcom, et plus précisément à Shuu Takumi, le créateur des Ace Attorney… qui aura accepté cette collaboration des plus inattendues. Le moins préparé à ce projet était cependant Jun Suzuki, responsable de la série des Professeur Layton, et qui n’avait alors encore jamais joué à un Ace Attoney de sa vie. Si par ailleurs la franchise des Layton avait pu déjà s’essayer à un rendu en 3D via Professeur Layton et le Masque des Miracles, c’est une toute première pour un volet des Ace Attorney et le résultat est finalement des plus satisfaisants.
On pourra également ajouter un troisième studio aux côtés de Level-5 et Capcom : le Studio Bones, qui aura signé toutes les scènes au format anime du jeu, plutôt réussies.
Le prologue nous plonge directement aux côtés du professeur Layton qui, accompagné de son assistant Luke, fait la rencontre d’une mystérieuse jeune fille blonde nommée Mahone. Vêtue de vêtements pour le moins étranges, elle possède une sorte de grimoire qu’elle tient en permanence serré contre elle.
Poursuivie par des créatures qu’elle dit être des sorcières, elle remet au professeur une lettre écrite par l’une des anciennes connaissances de ce dernier, Giovanni, qui a malheureusement été attaqué en voulant protéger la jeune fille alors qu’il enquêtait également sur un endroit appelé Labyrinth City. Mahone a à peine le temps de fournir davantage d’explications qu’elle se fait enlever par l’une de ces mystérieuses sorcières, mais heureusement pour elle Layton et Luke arrivent rapidement à la retrouver et à la libérer, ordonnant à la jeune fille de fuir pendant qu’ils font diversion. Ils récupèrent au passage l’étrange livre de Mahone et, en l’ouvrant, se retrouvent comme aspirés à l’intérieur.
Entre temps, Phoenix Wright et son assistante Maya (j’utiliserai les noms anglais des personnages par commodité) débarquent à Londres, Phoenix étant en voyage d’affaires en Angleterre pour assister à une réunion d’avocats. Mais il découvre qu’il doit s’occuper du cas d’une jeune fille, qui n’est autre que Mahone ; or elle a un comportement très différent de celui qu’elle avait en compagnie de Layton et Luke et affirme être coupable du crime dont elle est accusée. Après avoir pris sa défense et prouvé son innocence, Phoenix et Maya tombent sur un livre que Mahone a oublié au tribunal : son fameux grimoire. Curieuse de savoir ce que lisait la jeune fille, Maya ouvre le livre… mais nos deux héros finissent eux aussi par être aspirés à l’intérieur.
C’est ainsi que Layton, Luke, Phoenix et Maya se retrouveront dans un endroit bien étrange : la ville médiévale de Labyrinth City, dont les gens ne peuvent sortir et où tous les événements qui s’y déroulent sont écrits par le Story Teller, personnage énigmatique dont on raconte qu’il décide de « l’histoire » que doit suivre la ville grâce à sa plume. Layton et Luke y rencontreront Phoenix et Maya par pur hasard grâce à Mahone, et ils décideront de s’entraider afin de sauver la jeune fille, accusée de sorcellerie : dans ce monde les sorcières existent et y sont activement recherchées pour être jugées et brûlées vives. Mais ils seront également amenés à enquêter sur les mystères de Labyrinth City, de sa sorcière légendaire et de son Story Teller, et ce afin de percer leur secret.
La première chose qui frappe dès les toutes premières heures est l’équilibre quasi parfait entre le côté Professeur Layton et le côté Ace Attorney. Car le jeu distingue bien ces deux titres : tout ce qui concerne l’aspect énigme et recherche d’indices mais aussi la progression du scénario se déroule de la même manière qu’un volet de la série des Layton. On retrouve donc le même système de déplacement sur une carte simplifiée, le même système de pièces (picarats) cachées dans le décor, et surtout le même système de puzzles que l’on découvrent en fouillant un peu partout ou bien en parlant aux différents personnages. Et si le jeu comporte très exactement 70 énigmes, il ne faut heureusement pas toutes les résoudre pour pouvoir avancer dans l’histoire. C’est également durant cette phase-là que l’on peut obtenir des preuves qui serviront plus tard à Phoenix et Maya lorsqu’ils doivent défendre leur client.
Une fois certaines énigmes résolues et l’histoire ayant avancé un minimum, on peut enfin accéder à la phase consacrée au procès, très similaire à celle d’un Ace Attorney traditionnel. Contrairement à la phase Professeur Layton, qui offrait bien peu de différences par rapport aux jeux de la série originale, les séquences se déroulant dans le tribunal apportent leur lot de nouveautés.
On retrouve cependant tout ce qui fait la base d’un Ace Attorney : des témoins que l’on peut interroger, des contradictions à exposer grâce aux preuves que l’on possède… A la différence près qu’en dehors du procès du prologue, très similaire à celui des épisodes originaux, les autres procès se déroulent dans Labyrinth City, ville où on juge des sorcières possédant des pouvoirs surnaturels. Ce qui peut d’ailleurs faire sourire lorsque l’on sait que Maya est médium, mais ce point-là ne sera jamais évoqué dans le jeu, certainement pour ne pas compliquer davantage l’histoire…
Le petit problème qui peut se poser avec des procès sous fond de magie et de surnaturel est la logique : comment deviner ce qui est possible ou non dans ce monde, sachant que Phoenix doit par exemple prouver, dans le second procès du jeu, que Mahone n’est pas une sorcière ? Afin d’être fair-play envers le joueur, un ensemble de règles très strictes a donc été établi, ces règles étant accessibles à tout moment via une « encyclopédie de la magie » que le joueur recevra au cours du premier chapitre. Cette encyclopédie permet par exemple de savoir qu’une sorcière ne peut utiliser la magie sans l’aide d’un bâton dans sa main, qu’elle doit obligatoirement prononcer une incantation ou encore que certains sorts ne fonctionnent qu’à une certaine distance.
C’est grâce à ces règles que le joueur pourra trouver les contradictions lors des témoignages, sachant que les pages de cette même encyclopédie peuvent également être utilisées comme preuves et contradictions.
La grande nouveauté des phases de procès est cependant la présence de plusieurs témoins, assis les uns à côté des autres. Lorsque Phoenix interroge l’un de ces témoins, il est possible de regarder la réaction des personnages alentour ; si un personnage semble réagir à la déclaration du témoin interrogé, Phoenix pourra alors également lui poser des questions. C’est un système plutôt simple mais intéressant, surtout lorsque certains procès mettent face au joueur pas moins d’une dizaine de témoins. A noter que ces phases de procès comportent un système de pénalité proche du tout premier Ace Attorney, au contraire des suivants qui possèdent l’équivalent d’une barre de vie qui diminue à chaque erreur.
Hélas, le jeu est loin d’être exempt de défauts malgré de bonnes idées. Énumérer tout ce qui ne va pas serait long, mais l’une des premières choses que l’on remarque est que le jeu est très facile. Les énigmes de Layton sont extrêmement simples et sont bien loin du niveau de difficulté des énigmes des autres volets de la série principale : pour quelqu’un qui n’aime pas réfléchir, n’aime pas Layton ou veut passer tout de suite aux phases de procès, c’est un plus appréciable. Néanmoins il est dommage que même les dernières énigmes, obligatoires pour le scénario, soient d’une facilité déconcertante. Il en est de même pour les phases de procès, à un degré moindre tout de même : il n’y a rien d’insurmontable, loin de là, d’autant plus que le nombre de preuves que l’on peut utiliser est limité à huit, donc cela limite également les erreurs. On peut certes également proposer les portraits des personnages ou encore les pages de l’encyclopédie de magie comme contradictions, mais cela ne rend vraiment pas le jeu plus difficile.
Un autre petit truc qui pourrait gêner un peu est la présence d’une sorte de « mode facile », certainement prévu pour ceux qui voudraient avancer rapidement durant les phases de procès : les picarats obtenus lors des énigmes de Layton peuvent en fait être utilisés comme « aide ». En utiliser un certain nombre montrera tout simplement quelle déclaration d’un témoin il faudra contredire ou encore quelle preuve montrer et à quel moment… Inutile de préciser que cela n’a donc aucun intérêt, étant donné que les procès ne sont guère compliqués et que le joueur est très souvent guidé vers les bons choix. Mais heureusement, on peut ignorer cette option.
Le second problème, et pas des moindres, est la répartition du jeu ainsi que son scénario. Je parlais plus haut de la répartition quasi parfaite entre le côté Layton et et le côté Ace Attorney. Ceci est vrai jusqu’au chapitre 4 ; le jeu possède en fait 9 chapitres (ainsi qu’un prologue et un épilogue), et chaque chapitre alterne entre phase de puzzles et phase de procès. Les chapitres se déroulant après le quatrième rompent cette harmonie, proposant d’un seul coup uniquement des énigmes, tandis que les tout derniers se concentrent sur le procès final. Du coup on se retrouve avec d’un côté l’obligation de résoudre pendant un long moment tout un tas de puzzles absolument peu palpitants, et de l’autre côté un dernier procès extrêmement long, ennuyeux et laborieux qui m’aura personnellement pris pas moins de cinq heures et dont j’ai cru que je n’allais pas en voir le bout.
C’est également dans cette dernière partie que l’histoire révèle ses secrets et que l’on se rend compte que c’est complètement tiré par les cheveux : si le scénario commençait relativement bien, il évoluera en quelque chose d’assez capillotracté pour donner un rebondissement final qui ne surprendra guère les habitués de la franchise des Professeur Layton (et qui se diront certainement : « encore ? »). J’ai été assez déçue de ce côté-là, d’autant plus qu’il reste encore des zones d’ombres à la fin et que certains personnages alors importants sont complètement éclipsés lors du dernier chapitre, et ma réaction aura surtout été « tout ça pour ça ». Heureusement le jeu permet de diversifier un peu ce gros enchaînement indigeste de phase de puzzles et phase de procès de cette seconde moitié en faisant interagir Phoenix et Maya durant certaines énigmes ou encore Layton et son assistant lors des procès.
Enfin, le dernier problème se situe cette fois-ci au niveau du doublage. C’était une très mauvaise idée d’avoir fait doubler les personnages de Phoenix et Maya par leurs acteurs respectifs du film live, car un acteur n’est pas forcément un bon comédien de doublage. Si pour Maya cela peut passer, la voix japonaise de Phoenix est en revanche absolument immonde, et je pèse mes mots. Cela gâche vraiment le tout, cependant Level-5 et Capcom ont eu la bonne idée de ne pas doubler entièrement le jeu, seulement les phrases importantes et les séquences animées. Ce point semble cependant être le problème numéro un pour beaucoup de joueurs japonais, les critiques sur Amazon étant particulièrement acerbes à ce niveau-là. ;-)
♦
Ce Professeur Layton vs Phoenix Wright m’aura en fin de compte assez déçue : ce n’est pas un mauvais jeu, loin de là, mais il est finalement peu captivant et souffre d’un sacré problème de rythme. Les phases à base d’énigmes et de puzzles sont bien trop simples pour être intéressantes, tandis que les phases de procès sont relativement molles et ne possèdent pas ce petit côté jouissif que l’on retrouve dans la série des Ace Attorney, même si cela fait rudement plaisir de retrouver Phoenix et Maya.
Il y a toutefois quelques bonnes surprises au niveau du scénario et certains passages m’ont fait sourire ; notamment la scène où Phoenix travaille à un moment dans une boulangerie et crie « irasshaimase ! » de la même manière que son fameux « objection ! » pour accueillir les clients. Sans parler des clins d’œil à la série des Ace Attorney de manière plus générale, car on se retrouve à un moment à interroger encore un… perroquet. Quant aux personnages, notamment les témoins, ils restent assez amusants et possèdent quasiment tous un jeu de mot dans leur prénom.
Si l’univers des deux séries se marie en fait plutôt bien, Professeur Layton vs Phoenix Wright donne au final l’impression d’être à la fois un sous-Layton et un sous-Ace Attorney, une sorte d’échantillon de ces deux séries spécialement destiné aux néophytes, étant donné la difficulté quasiment inexistante mais aussi la durée de vie ni trop longue ni trop courte : le jeu peut largement se finir en une vingtaine d’heures sans se presser. Et si je peux le recommander à ceux qui aiment Layton et apprécient sans plus Ace Attorney, je le recommanderai moins à ceux qui aiment Ace Attorney mais ne peuvent pas supporter Layton et ses énigmes : on a quand même un petit peu l’impression que ce titre est davantage destiné aux fans de Layton qui n’ont jamais joué à un épisode d’un Ace Attorney…
Fanart par スズキハヤ
Du moment qu’il y a Maya et que Phoenix n’est pas un pseudo-clochard je suis content.
X4713R > De toutes manières le jeu est meilleur que Apollo Justice, si cela peut te rassurer~ *avis personnel*
Mais du coup Phoenix et Maya ne servent pas à grand chose dans les phases d’enquête si j’ai bien compris (alors qu’à l’inverse Layton empiète allègrement sur la partie procès)
Fisico > « Mais du coup Phoenix et Maya ne servent pas à grand chose dans les phases d’enquête »
C’est surtout vrai jusqu’au Chapitre 4. Ils font ensuite équipe avec Layton et Luke dans les phases d’enquête pour résoudre les énigmes, mais il y a quand même quelques passages où Phoenix et Maya doivent en résoudre seuls.
Jeu confirmé pour l’Europe aujourd’hui même.
http://www.nintendo-master.com/xtnews/news-32594_professeur_layton_vs_ace_attorney_en_cours_de_traduction_.htm
Ninja mystère > Ça a finalement été démenti par Level-5, mais c’est vrai que je les vois mal ne pas le sortir en Europe.
Merci pour ce feedback super complet. Du coup, je ressors assez mitigé de ce test. Je pense que j’attendrais une baisse de prix pour la collection et ce crossover assez inattendu.
[…] déception que ce Professor Layton VS Ace Attorney : ça commençait pourtant bien parce que ça promettait un crossover des plus intéressants qui […]