Quoi de mieux que la Saint-Valentin pour évoquer les origines des otome games, ces visual novels et autres jeux de drague destinés à un public féminin ?
J’ai voulu revenir un peu sur cette période qui s’étale de 1994 à 2005, ces deux dates correspondant en gros à la sortie du tout premier otome game et à l’arrivée d’Idea factory sur ce marché à travers sa marque Otomate. En mentionnant au passage certains jeux qui ont plus ou moins apporté quelque chose au genre, qu’ils soient connus ou non.
Neo Romance
Impossible de revenir sur les origines des otome games sans évoquer la série des Angelique, pionnière du genre, et le studio derrière cette série : Koei (devenu Koei Tecmo en 2009) et, plus précisément, son équipe Ruby Party.
Surtout célèbre pour sa série des Sangoku Musō (Dynasty Warriors), c’est en 1994 que Koei lance sur Super Famicom le tout premier jeu de romance ciblant un public essentiellement féminin. Le studio avait décidé à l’époque de mettre en place une équipe majoritairement composée de femmes, présentes à tous les rôles : producer, game designer, illustratrices… C’est ainsi qu’est née Ruby Party, une section dédiée à ce tout nouveau genre de jeu : un nom qui n’a d’ailleurs pas été donné complètement par hasard, le rubis étant souvent associé à la passion. Leurs jeux seront désormais regroupés sous le label Neo Romance, qui est un peu à Koei ce qu’Otomate est à Idea Factory.
Premier otome game à avoir vu le jour, Angelique devait au départ être une sorte de Nobunaga’s Ambition se déroulant dans un monde très fantasy inspiré de l’Europe à la place du Japon médiéval, avec un univers plus doux pour attirer les lectrices (et lecteurs) de manga “shōjo”. L’histoire met en avant une jeune fille choisie comme candidate pour succéder au trône de la Reine du Cosmos, dont le pouvoir diminue de plus en plus, et qui sera épaulée par plusieurs gardiens qui vont l’aider à développer et gérer un continent. Pour la petite anecdote, les deux héroïnes et rivales du jeu, Angelique et Rosalia, ont été créées en s’inspirant des deux personnages principaux féminins de la série Majokko Megu-chan (Meg la sorcière, en France) : Meg et Non.
Les adolescentes étaient le cœur du public visé par ce jeu, mais il aura étonnamment eu bien plus de succès auprès des jeunes femmes adultes. Peut-être parce que le choix ultime de l’héroïne, c’est-à-dire devenir reine ou bien renoncer au trône pour terminer avec l’élu de son cœur, faisait écho au dilemme des femmes japonaises dans le monde du travail : s’épanouir professionnellement ou bien abandonner sa carrière pour s’occuper de sa famille et ses enfants ?
Si Angelique n’a pas été un succès immédiat, c’est surtout le bouche à oreille qui a fait connaître la série. Déclinée en de nombreux événements, anime, concerts, mangas et autres produits dérivés, il s’agissait également dès le départ d’un pur produit “media mix” : un drama CD avec les voix des doubleurs a même été mis en vente parallèlement à la sortie du premier jeu étant donné qu’il était impossible de proposer un véritable doublage sur Super Famicom.
La série des Angelique est toutefois nettement moins présente de nos jours, surtout par rapport aux deux autres grosses franchises de Ruby Party que sont La Corda d’Oro et Harukanaru Toki no naka de. Elle a toutefois été remise au goût du jour avec Angelique Retour, un remake du premier épisode sorti sur PSP et PS Vita en 2015 et qui a célébré, avec un peu de retard, les 20 ans de Neo Romance.
On doit principalement l’existence de Ruby Party à deux figures féminines : Keiko Erikawa et sa fille Mei Erikawa. Si Keiko est la co-fondatrice de Koei aux côtés de son mari, Mei est quant à elle la directrice actuelle de Ruby Party. Cette dernière a par ailleurs eu un rôle important dans la conception d’Angelique : sa mère lui avait demandé de jouer à une version prototype et d’écrire un rapport détaillant son expérience et ses impressions.
De son côté, Keiko Erikawa avait simplement au départ souhaité créer des jeux ciblant les femmes en constatant le faible nombre de ces dernières dans l’industrie du jeu vidéo. Son but était de faire en sorte que les femmes s’intéressent davantage aux jeux vidéo, voire les inspirer en leur donnant envie d’intégrer cette industrie pour créer à leur tour leurs propres jeux.
Dix ans avant la sortie d’Angelique, elle avait même déjà songé à créer un jeu destiné à un public féminin, persuadée qu’il y avait une réelle demande. Le problème ? Les consommateurs étaient principalement de sexe masculin… et les membres du staff de Koei également. Après la sortie du premier Nobunaga’s Ambition en 1983, elle a donc cherché activement des développeuses et essayé de former davantage de femmes, beaucoup n’ayant à l’origine aucune expérience. Ce long processus prendra une dizaine d’années, et c’est ce qui aboutira à la formation de Ruby Party.
Le premier clone : Albaria no Otome
Si on peut noter l’arrivée en 1995 d’une adaptation sur Super Famicom du manga Marmalade Boy de Wataru Yoshizumi, un jeu de drague assez basique permettant d’incarner l’héroïne et de choisir sa romance avec l’un des personnages de l’œuvre originale, c’est en 1997 que débarque le véritable second otome game, développé par Gimmick House : Albaria no Otome (parfois écrit Albarea no Otome), tout d’abord sur PC-FX puis une année plus tard sur PlayStation.
Véritable copie d’Angelique, Albaria no Otome propose un scénario de base qui en est plus qu’inspiré : une jeune fille, Ashanty, est choisie comme candidate pour devenir la nouvelle protectrice sacrée du royaume d’Albaria, qui commence à perdre ses pouvoirs. Deux autres élues, qui seront ses rivales, sont également de la partie. S’occuper d’Ashanty consiste principalement à augmenter des statistiques en exécutant plusieurs tâches : s’entraîner au combat à l’épée, faire de la magie, pratiquer la danse, apprendre les bonnes manières… Tout comme dans Angelique, il y a deux buts : soit devenir la nouvelle gardienne sacrée, soit finir avec l’un des chevaliers qui font office de gardien.
Ce titre, qui mélange à la fois raising sim (à la Princess Maker), dating sim et tactical RPG (oui, il y a quelques combats !) peut donner l’impression de proposer quelque chose d’intéressant avec ses nombreuses idées, mais c’est malheureusement loin d’être le cas. Un (mauvais) clone d’Angelique, donc, qui a tout de même le mérite de toucher un peu à tous les genres et d’être l’un des tout premiers otome games jamais créés.
Les titres hybrides, ou un genre qui se cherche encore
Entre 1995 et le tout début des années 2000, on peut remarquer l’émergence de jeux romantiques dits hybrides. Hybrides dans le sens où ils s’adressent à la fois à un public masculin et féminin, en proposant d’incarner le personnage du sexe de son choix. Il existe même un terme pour désigner ce style de jeu que l’on pourrait classer aussi bien dans la catégorie des otome games que des galge/bishōjo games : danjo kenyou ren’ai game (男女兼用恋愛ゲーム).
Le premier titre hybride serait Kekkon Marriage sur Sega Saturn, sorti en 1995. D’autres suivront avec plus ou moins de succès comme élan (1999) ou encore e’tude prologue (1998), qui est également le tout premier jeu de Takuyo, un autre développeur d’otome game encore très présent sur le marché actuellement.
Un titre se démarque tout de même dans le lot : Fantastic Fortune, sur PC (1998), qui sortira plus tard sur PlayStation. Se déroulant dans un monde médiéval sur une planète lointaine, il a la particularité de proposer trois personnages principaux : deux personnages féminins et un troisième, Sylphis, appartenant à une race qui n’a pas de sexe prédéfini et qui doit le choisir une fois sa maturité atteinte (un peu comme dans le manga They Were 11 de Hagio Moto). Cette particularité fait que ce sont les choix du joueur qui vont décider du sexe de ce personnage et transformer, s’il le souhaite, cet otome game en bishōjo game.
Mon petit chouchou au niveau des jeux hybrides est la courte série des Favorite Dear, sur PC et PlayStation (1999), composée uniquement de deux épisodes. Ils sont souvent classés dans la catégorie des RPG purs et durs alors que c’est surtout 30 % RPG, 40 % gestion et 30 % romance.
J’avais déjà parlé sur ce blog du second volet : il s’agit en gros d’une série où on incarne au choix un ange de sexe féminin ou masculin, qui a pour mission de recruter plusieurs héros et héroïnes afin de sauver le monde touché par un mal mystérieux. Les personnages sont intéressants, la romance ne sort pas de nulle part et se base essentiellement sur la confiance, mais le jeu possède un côté RPG/gestion un peu hardcore qui a sûrement dû en effrayer plus d’un sachant qu’il y a une limite de temps et que le hasard joue un certain rôle.
Ces titres visant un public unisexe ont donc surtout proliféré jusqu’au début des années 2000, avec un pic en 1998. Étant donné qu’ils ont vu le jour après l’arrivée des otome games, il est peut-être possible qu’à l’époque certains développeurs aient hésité à proposer des titres uniquement destinés à un public féminin, en ajoutant au cas où une partie classique avec un protagoniste masculin pour assurer un minimum de ventes. On peut également voir cela comme une manière de surfer sur le récent succès des otome games et d’Angelique, en essayant de toucher un tout nouveau public.
C’est en tout cas un genre qui a quasiment disparu, l’arrivée en masse des otome games purs et durs ne donnant plus tellement raison à ce type de jeu d’exister. Ce côté hybride reste toutefois bien présent de nos jours dans certains RPG et autres jeux de gestion permettant d’incarner un personnage du sexe de son choix et proposant des éléments de romance optionnels (Rune Factory 4, Persona 3 Portable, la série des Summon Night et des Harvest Moon, etc.).
Harukanaru Toki no Naka de : le Fushigi Yuugi de Koei
C’est au printemps 2000 que débarque le premier volet de la deuxième grosse série de Koei et Ruby Party, qui donnera naissance à de nombreux spin-offs : Harukanaru Toki no Naka de.
Il s’agit d’une saga que l’on peut retrouver sur PlayStation, PS2, PSP et PS Vita en passant par Wii et Game Boy Advance, sans oublier au passage les adaptations en anime et manga : à l’heure actuelle, il existe un peu plus d’une quinzaine de titres, et près d’une trentaine en comptant les portages et remakes. Le rapport avec “Fushigi Yuugi” ? La série repose en fait sur le même principe que celui du manga de Yuu Watase, avec une héroïne de notre monde moderne transportée dans un autre univers et qui découvre qu’elle est une prêtresse, tout en étant protégée par plusieurs gardiens.
Proposant à chaque nouvel épisode des héroïnes et personnages différents, et des époques qui peuvent elles aussi varier, le thème de base reste quant à lui assez souvent le même : dans les trois premiers jeux, on incarne une lycéenne qui se retrouve transportée dans un monde parallèle ressemblant au Japon de l’époque Heian. L’héroïne découvre qu’elle est la prêtresse du dieu dragon (Ryūjin no Miko), dont le rôle est de faire face aux démons qui menacent le pays, et est protégée par les Hachiyou, huit guerriers qui ont pour mission de veiller sur elle. Proposant également une partie RPG aux combats au tour par tour ainsi que quelques mini-jeux, chaque volet a la particularité d’être découpé en plusieurs chapitres en plus d’être assez long. La partie RPG reste quant à elle assez simple dans les premiers jeux, avant de se complexifier davantage dans les épisodes suivants ; les combats servent également à améliorer sa relation avec les différents personnages, notamment en les encourageant durant les combats ou bien en utilisant des attaques spéciales.
Se déroulant dans un univers très japonais contrastant volontairement avec celui des Angelique, Harukanaru Toki no Naka de est une série qui marche (toujours) relativement bien au Japon, avec des éléments propres aux RPG qui ont été inclus suites à la demande des fans. La formule a plus ou moins évolué au fil des années, le troisième volet étant celui qui a apporté de nombreux changements qui seront repris dans les épisodes suivants, notamment au niveau des événements liés aux personnages, dorénavant plus simples à débloquer.
Un remake du tout premier jeu est par ailleurs sorti en février 2018 sur PS Vita, et pour les curieux une démo est disponible sur le PS Store japonais (la progression peut être transférée dans la version complète).
Konami et la popularisation des otome games
Du côté des jeux sur PC, les otome games débarquent eux aussi petit à petit, le premier ayant réussi à rendre davantage le genre populaire sur ce support étant FIRST|LIVE, un titre tout public développé par Amedeo (2000). Généralement, les tout premiers otome games sur PC étaient encore assez gentillets, comme on peut le constater avec Kaitou Apricot de Takuyo (2002), Ripple no Tamago de HuneX (2003) ou encore Kimagure Strawberry Cafe (2003). C’est en 2003 que les otome games érotiques interdits aux moins de 18 ans font leur apparition, le tout premier étant Hoshi no Oujo de Mirai-Soft.
Mais revenons à 2001 : cette année-là marque l’arrivée d’un nouveau développeur dans la catégorie des otome games, mais qui est loin d’être un débutant en matière de dating sims. Il s’agit de Konami, qui proposera tout d’abord Meine Liebe sur Game Boy Advance. Remarqué à l’époque pour ses illustrations que l’on doit à la mangaka Kaori Yuki, cet otome game a connu un bon petit succès et a même eu droit à une adaptation en anime et en manga. Une suite directe du premier jeu est également sortie sur PS2, en 2006.
Proposant un système similaire à celui de la série des Tokimeki Memorial avec une partie dédiée à la gestion de statistiques (études, sport, dessin…), il introduit une petite nouveauté : gérer sa garde-robe ! Cela reste minimaliste, avec seulement le choix entre cinq vêtements pour sortir lors de ses rendez-vous, mais c’est déjà un début. Le but du jeu ? Il est question ici de trouver l’âme sœur durant la scolarité de l’héroïne qui va s’étaler sur deux années, dans une université pour aristocrates fortunés située dans un pays imaginaire vaguement inspiré de l’Allemagne.
Comme dans bon nombre d’otome games classiques, il faudra également faire attention à ne pas répondre à côté de la plaque aux questions posées par les différents personnages masculins. L’héroïne est également épaulée par trois amies, et on retrouve déjà ici certains éléments qui seront repris dans le futur Tokimeki Memorial Girl’s Side, qui heureusement équilibrera un peu plus la formule : Meine Liebe est très souvent inutilement compliqué.
C’est donc un an plus tard, en 2002, que débarque sur PlayStation 2 l’un des gros succès de Konami en matière de jeu de drague : Tokimeki Memorial Girl’s Side. Déclinaison pour filles de sa saga phare Tokimeki Memorial, il suit également le même principe que ce dernier : incarner une lycéenne et obtenir, au terme des trois années de sa scolarité, une déclaration de la part de l’un des garçons du jeu. Le côté romantique est très mis en avant, mais le titre se remarque aussi pour son humour et son auto-dérision, sans oublier ses personnages qui sont dans l’ensemble plutôt attachants.
Ce qui permet à ce jeu de se démarquer des autres otome games, en dehors de sa qualité (on sent qu’il y a du budget derrière !), c’est son côté frais et novateur. Il y a un énorme choix de vêtements et autres accessoires que l’on peut acheter pour son personnage en faisant les boutiques les week-ends, et il est même possible de préparer lors de la Saint-Valentin son propre gâteau au chocolat à l’aide d’un mini-jeu et de le donner au personnage de son choix : tout cela peut sembler aujourd’hui anodin, mais c’est une véritable petite révolution à l’époque.
Après un premier épisode qui débarque quelques années plus tard sur Nintendo DS, une suite avec de nouveaux personnages voit le jour à la fois sur PS2 (2006) et DS (2008), suivie d’un troisième volet sur DS (2010) et PSP (2012). Depuis, pas de nouvel épisode, ce qui est assez dommage, sauf si on prend en compte le lointain spin-off Tokimeki Restaurant ☆☆☆ sorti sur mobile en 2013, avec une adaptation sur PS Vita en 2018 signée non pas Konami, mais… la Ruby Party de Koei. La boucle est bouclée.
Tokimeki Memorial Girl’s Side a eu une très grande influence sur la démocratisation des otome games, et son succès a assurément fait davantage connaître ce type du jeu auprès d’un public pas forcément intéressé à la base. Il serait par ailleurs le titre qui aurait popularisé le terme “otome game”, alors rarement utilisé jusque-là, les jeux de ce type étant autrefois souvent classés dans la catégorie des ren’ai simulation (jeu/simulation romantique), voire SLG (pour simulation games).
On peut considérer la série des Tokimeki Memorial Girl’s Side comme le meilleur représentant du genre et probablement ce qui se fait de mieux en matière de jeu de drague pur et dur pour filles, notamment auprès de ceux qui auraient tendance à favoriser les otome games avec un gameplay derrière.
2003 : le calme avant la tempête
Peu après la sortie de Tokimeki Memorial Girl’s Side, les otome games continuent doucement à se multiplier et deux nouvelles revues spécialisées sur le sujet font même leur apparition : Dengeki Girl’s Style et B’s-LOG. De son côté, Koei ne se repose pas sur ses lauriers et propose en 2003 sa troisième grosse série placée sous le label Neo Romance : Kin’iro no Corda, également connu sous le nom de La Cordo d’Oro, avec un premier épisode sorti tout d’abord sur PC puis plus tard sur PS2 et PSP.
Kin’iro no Corda utilise comme thème de fond la musique classique dans un environnement scolaire. C’est une première pour un jeu de Ruby Party, qui a ici une fois de plus écouté ses fans : ces derniers auraient demandé un nouveau jeu se déroulant dans un univers plus moderne et familier. Dans le premier volet de la série, le joueur incarne une lycéenne qui intègre un établissement scolaire réputé pour son programme musical ayant formé de nombreux musiciens professionnels devenus célèbres. Incapable de jouer le moindre instrument, c’est sa rencontre avec une petite fée qu’elle seule peut voir qu’elle prendra goût à la musique et participera à des compétitions, les différents prétendants de l’histoire étant par ailleurs ses rivaux.
Le second volet sort tout d’abord en 2007 sur PS2, avant de connaître un portage sur PSP et, plus récemment, sur PS Vita. Il est suivi en 2010 d’un troisième épisode (sur PS2, PSP et 3DS) et d’un quatrième volet en 2016, uniquement sur PS Vita cette fois-ci, et qui est pour le moment le dernier en date. La série a connu une adaptation en anime et en manga, mais seuls les cinq premiers volumes de ce dernier sont sortis en France sous le titre la Corde d’or, aux éditions 12 Bis.
Les jeux possèdent un côté gestion (et surtout gestion du temps) très présent, et le premier Kin’iro no Corda est très certainement le plus difficile sachant que la moindre erreur ne pardonne pas. La courbe de difficulté a été heureusement retravaillée dès le second volet, qui propose également un mode “facile”. À noter au passage que Kin’iro no Corda 2 utilise les mêmes personnages que le premier jeu étant donné qu’il s’agit d’une suite directe ; un lien similaire unit Kin’iro no Corda 3 et 4, qui proposent quant à eux un tout nouvel univers et un tout nouveau groupe de personnages.
En 2004, Capcom se lance à son tour dans les otome games avec son projet “media mix” Full House Kiss, qui propose à la fois un jeu sur PS2 et un manga créé en parallèle, les personnages et le scénario étant exactement les mêmes. L’histoire en elle-même n’est pas très originale et rappelle de nombreux mangas shoujo : une jeune fille à la recherche de sa sœur disparue cherche à obtenir des indices dans un lycée très réputé réservé à l’élite. Un étudiant du lycée en question se propose de l’aider, mais en échange elle doit s’occuper des tâches ménagères chez lui, sachant qu’il fait une colocation avec trois autres garçons et qu’ils sont considérés comme les “princes” de leur école. La particularité de ce titre est de se dérouler de manière à rappeler la lecture d’un manga, avec la présence de plans fixes et de bulles de dialogue.
Une suite, Full House Kiss 2, est sortie en 2006 sur PS2. Il aurait pu s’agir de la dernière réelle incursion de Capcom dans le monde des otome games, mais c’est sans compter Toraware no Paruma, une petite curiosité sortie sur mobile en 2016.
Otomate et l’explosion du genre
C’est finalement vers 2005 que de nouveaux développeurs spécialisés dans les otome games, notamment sur PC, font leur apparition durant cette période comme le défunt QuinRose (Heart no Kuni no Alice), Takuyo que j’ai déjà mentionné plus haut, Karin Entertainment (Princess Nightmare, Zettai Meikyuu Grimm…) ou encore Primavera, même s’il faudra plutôt attendre 2009 pour que cela bouge réellement, avec là encore l’arrivée de studios aujourd’hui bien implantés sur le marché comme Rejet et Honeybee.
2005 signe surtout l’arrivée de l’un des plus gros développeurs actuels : Idea Factory, qui se lance dans la course en sortant son premier jeu romantique destiné à un public féminin. Il s’agit de Fushigi Yuugi Genbu Kaiden Gaiden: Kagami no Miko sur PS2, basé sur le manga du même nom de Yuu Watase. Leur premier titre original est toutefois Hoshi no Furu Toki, sorti la même année sur PS2, même s’il ne restera pas dans les mémoires.
Il faudra attendre l’été 2006 pour que débarque leur premier gros succès : Hiiro no Kakera, également connu sous le nom de Scarlet Fate en occident, et dont la popularité a probablement été largement aidée par les superbes illustrations signées Kazuki Yone. C’est durant cette période que la marque Otomate est créée, et les jeux sortis précédemment sont désormais regroupés sous ce label. Mais le problème avec Otomate, et qui est toujours d’actualité, est de privilégier la quantité à la qualité en exploitant jusqu’à plus soif ses séries qui fonctionnent le mieux. La qualité globale de leurs jeux s’est heureusement améliorée au fil du temps, surtout par rapport au nombre impressionnant de jolies bouses (désolée, mais il n’y a pas d’autres mots) produites durant leurs premières années, comme Edel Blume.
C’est l’arrivée en 2008 d’un de leur plus gros succès, Hakuōki, qui changera la donne. Décliné à toutes les sauces et toujours d’actualité à travers ses nombreux portages, il n’en reste pas moins un otome game intéressant qui mérite tout de même sa popularité. D’autres titres à succès suivront (que ce soit Diabolik Lovers, en partenariat avec le studio Rejet, ou encore Amnesia), et globalement on ne peut pas nier l’influence d’Otomate, qui a certainement poussé d’autres développeurs à se pencher davantage sur ce marché de niche déjà prometteur à l’époque. Sans oublier au passage certains autres gros succès comme Uta no☆Prince-sama de Broccoli/Nippon Ichi Software au début des années 2010, et qui ont eux aussi davantage contribué à la popularisation des otome games.
Le mot de la fin
Si depuis 2005 l’offre a bien évolué en proposant des jeux aux thèmes assez variés, je trouve personnellement un peu dommage que la majorité des titres soient des visual novels purs et durs, au détriment des jeux de drague à la Tokimeki Memorial avec tout un aspect dédié à la gestion d’activité et de statistiques. Quelques développeurs ont bien tenté de se lancer dans ce style de jeu qui était nettement plus en vogue dans les années 90, comme D3 Publisher et sa série des Storm Lover en 2010, mais ils sont malheureusement une minorité.
Quant au chemin que prendront les otome games dans les années à venir, difficile de le prédire, d’autant plus que beaucoup d’entre eux sortent désormais sur mobile ; on peut tout de même déjà remarquer, au niveau des consoles, la récente migration sur PS4 et Switch de quelques titres sortis originellement sur Vita. De mon côté, j’espère que les otome games continueront à sortir sur console (de salon ou portable) et sur PC, ayant un peu du mal avec les titres disponibles uniquement sur smartphone et leur côté finalement très éphémère.
Sources :
- An Interview with Keiko Erikawa, the Pioneer of Games Marketed Toward Women sur karasucorps (anglais) – article original : Famitsu (japonais)
- De Nobunaga à Angelique : entretien avec Kou Shibusawa et Keiko Erikawa sur Denfaminico Gamer (japonais)
- Otome Games 101 – Origins (acosmos)
- Koei Wiki : Ruby Party – Neo Romance
- Angelique Memorial Book, 1995.
Liens en vrac :
- Les jeux pour filles, d’Angelique aux jeux mobiles sur Denfaminico Gamer (japonais)
- Histoire et attrait des otome games sur B’s LOG (japonais)
- Chronologies des otome games/BL games/simulations, de 1994 à 2018 sur Denfaminico Gamer (japonais)
- Where are they now? ~A look at the status of defunct otome game companies~ chez Hinano
- Otome Games : les jeux de drague pour filles sur Popfixion.fr par Elesia.
Note : une partie de ce billet est basée sur un vieil article que j’avais écrit en 2005 sur l’un de mes anciens blogs, sur le thème plus général des “dating sims”.
Bel article^^ Je suis d’accord avec toi sur la tendance actuelle des otome games à se tourner vers le marché du mobile. Je ne suis pas fan des jeux sur smartphones (à part Mystic Messenger, très novateur dans son concept) mais je trouve que l’on va vers un nivellement vers le bas avec des jeux moins “beaux” et moins “scénarisés” alors que pour moi ils ont toujours été des romans interactifs sympathiques^^
Merci !
Effectivement on va vers un certain nivellement par le bas, avec des jeux finalement moins scénarisés et globalement plus courts. En tout cas les rares otome games que j’avais essayés sur mobile ne m’ont pas donné envie de persévérer. ^^;
Merci pour cet article long et détaillé rempli d’informations et de choses intéressantes. C’est toujours agréables d’en apprendre plus, surtout sur les otomes :)
Je connais la plupart de noms mais j’avoue n’avoir surtout qu’à hakuoki sur 3DS qui était agréable (même si avec quelques défauts). Par contre, les jeux sur mobiles c’est pas trop ma came et je trouve que ce n’est pas le format idéal pour l’immersion, après question de goût j’imagine….
Merci ! :D C’est clair que les otome games sur mobile ce n’est pas trop le meilleur format pour cela, du coup ça expliquerait pourquoi la majorité des titres sont découpés de telle manière à être lus/joués à petite dose. Au contraire des titres sur console/PC, sur lesquels on peut passer plusieurs heures à la suite comme si on lisait un bouquin.
Il y a bien quelques applis qui sont des adaptations d’otome games sortis sur console, mais là non plus ce n’est pas très agréable à lire sur mobile. Du coup je trouve également l’expérience nettement moins mémorable sur ce support, mais effectivement c’est peut-être aussi une question de goût (et d’habitude).
Je tiens à ajouter que Meine Liebe est un enfer avec ou sans guide.
Sinon j’ai trouvé cet article très instructif sur la fondation des otome game, pour ma part je trouve que Rejet est une bouffée d’air frais dans cette industrie qui a très tendance à produire des jeux aux histoires très niaises. Il n’y a pas beaucoup de diversité dans les intrigues et une absence totale de véritable gameplay ce qui commence à être sérieux handicap pour cette industrie, heureusement qu’il y a des jeux comme Hana Awase et Yuukyu No Tierblade qui essaient de changer la donne. J’attend toujours un otome game situé dans l’espace.
[…] tortueux et pas simple, économiquement parlant. Exelen vous en parlera mieux que moi dans son dernier article. Très vite de nombreux studios se sont lancés sur ce marché fort juteux, certains […]